Tableau impressionniste de la conférence internationale de sages-femmes, Paris 2001

La note du rédacteur: Cet article a premièrement paru dans Les Dossiers de L’Obstétrique, no. 304, avril 2002, publié par E.L.P.E.A., Paris, France.
Subscribe to Midwifery Today Magazine

Avertissement concernant les traductions

Midwifery Today, Inc., ne garantit pas la précision des textes publiés dans une autre langue que l’anglais, qu’il s’agisse de publications imprimées ou du contenu de ses sites internet. Cela inclut:

  • Les textes publiés à l’origine dans une autre langue que l’anglais, que ce soit dans Midwifery Today ou ailleurs.
  • Les textes publiés à l’origine en anglais et traduits par la suite dans une autre langue, que le texte d’origine ait été publié dans Midwifery Today ou ailleurs.

Il convient de toujours se reférer à l’édition en anglais pour avoir accès à la précision maximale des textes publiés par Midwifery Today.

Paris, Midwifery Today, 18 au 22 octobre 2001

Une conférence chaleureuse, de sages-femmes de nombreux pays: Islande, Israel, Danemark, Mexique, Suisse, Belgique… Il y avait un bon nombre de sages-femmes de toute la France. Et de pratiques variées, hôpital, libérales, PMI. De três nombreux thêmes de rencontres étaient proposés et nous avons donc pu assister à quelques-uns. Voici pour commencer quelques pensées marquantes entendues au cours de ces journées:

UN CONGRES: ouverture possible de la pensée, du cœur et de la conscience.

Je reviens tout juste (suis arrivée hier soir) du congrès de Midwifery Today auquel j’ai participé du 17 au 22 octobre dernier à Paris (oui ma chère!). A partir des paroles que j’ai notées, je veux vous faire un petit tableau impressionniste du paysage de ce congrès. Ce n’est donc pas vraiment un résumé… mais j’aime mieux ça. Je n’incluerai pas non plus mes critiques et mes déceptions, qui accompagnent toujours des événements comme ceux-ci.

  • La naissance est de plus en plus artificielle.
  • L’accouchement moderne est un désastre écologique.
  • L’obstétricien-gynécologue est formé à l’action et non pas à l’attente.
  • Puissance va avec jouissance.
  • Tout ce qu’on trouve discutable doit être discuté.
  • Comment se fait-il qu’un accouchement naturel semble une excentricité maintenant?
  • «The midwife is also a ritual practitioner because birth is a rite of passage…»
  • Le savoir de l’obstétrique vient de la science.
  • Le véritable savoir des sages-femmes doit venir des femmes.
  • Il faut toujours faire attention à ce qu’on fait: tout a une conséquence.
  • Un bébé est un être de relation: un bébé seul, ça n’existe pas.
  • Qu’est-ce que la femme que vous avez vu hier a à vous dire sur la profession de sage-femme, sur la grossesse, sur l’accouchement, sur la naissance? (l’amour, la vie…)
  • L’obstétrique a développé un regard suspicieux sur les femmes.
  • Pour avoir une véritable autonomie, faudrait d’abord être capable de sortir de l’hôpital.
  • Travailler avec un médecin est très différent que de travailler «comme» un médecin.
  • Dans les hôpitaux on finit par avoir l’impression que c’est le moniteur qui fait battre le cœur fœtal.
  • L’autonomie des femmes et celle des sages-femmes sont interdépendantes.
  • Si la femme n’est pas libre, la sage-femme n’est pas libre non plus.
  • La naissance hors hôpital libère la sage-femme et les femmes
  • Question aux parents: «que voulez-vous faire pour accueillir ce nouvel être humain qu’est votre enfant?»
  • La sage-femme protège la partie amoureuse de la maternité.
  • Les choses ne sont pas normales parce qu’elles arrivent souvent; elles arrivent souvent parce qu’elles sont normales.
  • La logique de la technologie: si on l’a, pourquoi ne pas s’en servir? Si on peut le faire, pourquoi ne pas le faire?
  • On surévalue l’information: ceux qui ont le pouvoir sont ceux qui savent lire les machines.
  • Sortez l’accouchement normal de l’hôpital! (Marsden Wagner)
  • Le droit de choisir les interventions obstétricales est dangereux.
  • Il est temps d’obliger les médecins à aller à des accouchements en dehors de l’hôpital.
  • Nous avons sécularisé le processus de la naissance
  • En quittant les femmes, les sages-femmes se sont quittées en mème temps.
  • «Are we doing obstetrics or midwifery?» (Titre d’une présentation… ma préférée. C’est une maudite bonne question non? En fait, c’est celle que nous devrions nous poser…)
  • Les médecins utilisent la logique obstétricale, basée sur la pathologie. Les sages-femmes devraient utiliser une logique physiologique.
  • L’inconscient est en jeu dans l’accouchement. C’est pour ça que chaque accouchement est unique.
  • Si on appuie sur la tête des élèves pendant 4 ans, dès qu’elles sortent, elles appuieront sur la tête de quelqu’un d’autre.
  • Le discours obstétrical est un cercle vicieux: pathologie… peur… pathologie… peur (la technologie n’y change rien).
  • Les sages-femmes ont été poussées dans la marge des savoirs autour de la naissance.
  • Un accouchement à l’hôpital ne peut pas être séparé de l’hôpital.
  • Si on fait taire les femmes, on fait taire la vie.
  • L’obstétrique veut se protéger du grand désordre créateur de l’accouchement.
  • On a fait des sages-femmes des auxiliaires de la médecine.
  • Maintenant, c’est quelque chose de médical qui est au centre de la naissance.
  • La médecine actuelle fait passer les femmes actuelles à côté de la naissance.
  • Nous devons baser nos protocoles en rapport à la physiologie et non à la pathologie.
  • Se préparer à l’enfantement c’est se préparer à l’imprévu.
  • Quand on parle de physiologie, on ne peut plus séparer la mère de l’enfant.
  • Si une femme est respectable, son corps est respectable, son temps est respectable.
  • C’est logique de se sentir impuissant: ce n’est pas notre histoire.
  • La peur et la douleur font partie de la sensation d’être vivant.
  • Notre vocation est d’être le bras droit des femmes, pas celui des obstétriciens.
  • Notre interlocuteur principal c’est la femme, pas l’obstétricien.
  • Quand les sages-femmes souffrent dans leur art, les femmes souffrent dans leur corps.
  • Le centre de l’obstétrique? la science.
  • Le centre de la pratique sage-femme? la femme.
  • L’obstétrique et la pratique sage-femme sont deux disciplines totalement différentes.
  • Comment mesure-t-on ce qui arrive? Avec des machines.
  • La pratique des sages-femmes a été institutionnalisée.
  • Souvent nous ne sommes pas conscients que l’hôpital est une intervention.
  • Ce qui est approprié pour quelques-unes ne l’est pas pour toutes.
  • Maintenant la sage-femme est une commodité dans le marché des soins.
  • Laissons aux obstétriciens la pensée obstétricale et développons la pensée sage-femme.
  • Ce qui a primé pour la médecine obstétricale a été de marquer son territoire. Qu’attendons-nous pour marquer le nôtre?

Michel Odent: Quel avenir pour une civilisation où les bébés naissent «scientifiquement»?

Michel Odent remarque d’abord que les sages-femmes de tous pays sont plus nombreuses que les sages-femmes françaises. Il remarque particulièrement une sage-femme brésilienne qui s’est mise sur la paille pour venir à cette conférence. Le petit nombre de sage-femmes françaises est comparativement faible, il y voit la marque que nos compatriotes n’ont pas encore pris conscience de la gravité des enjeux dans la naissance.

«En ce qui concerne la naissance des bébés humains, nous sommes dans une situation sans précédents. Certes toutes les sociétés humaines connues ont toujours plus ou moins perturbé les processus physiologiques. Cependant, jusqu’à une époque récente, une femme ne pouvait pas avoir de bébés sans sécréter un cocktail complexe d’hormones de l’amour. Aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la plupart des femmes, dans presque tous les pays industrialisés, deviennent mères sans s’imprégner de telles hormones. Les femmes qui accouchent par voie vaginale peuvent compter sur des substituts des hormones naturelles qui ne sont pas des hormones de l’amour (perfusions d’ocytocine synthétique, péridurales se substituant aux sécrétions d’endorphines, etc…). Les autres accouchent par césarienne. Les questions doivent être posées en termes de civilisation. Quel est l’avenir d’une civilisation née dans de telles conditions?»

Michel Odent anime de nombreux ateliers au cours de ses rencontres. Ses propos s’appuient sur les recherches faites par le Centre de Recherche en Santé Primale que l’on peut consulter sur Internet: www.birthworks.org/primalhealth et dont les publications trimestrielles sont traduites en français par ALYCCS: alyccs.free.fr

Quelques façons d’inquiéter la mère à partir d’informations scientifiques mal utilisées. La façon dont l’enfant naît, dépend beaucoup de comment a été l’état émotionnel de la femme enceinte. Pour cela, il est important, que par nos propos nous ne l’inquiétions pas inutilement. Un des facteurs de stress le plus souvent rencontré est la baisse du taux d’hémoglobine. Sachant qu’en cours de grossesse l’augmentation du volume sanguin d’environ 40% est principalement dû à la dilution du sang, le taux d’hémoglobine évalue cette dilution et donc la qualité de l’activité placentaire. En aucun cas elle ne reflète un manque de fer qui lui devrait être détecté, si besoin est, par des examens spécifiques. Les études prouvent que le taux idéal pour l’échange placentaire est de 9,5. S’il ne descend pas au-dessous de 10,5 il y a un risque accru de naissance prématurée, de pré-éclampsie… Un autre facteur de stress est la présence d’une HTA sans signes associés en fin de grossesse. Il faut le considérer comme une réponse physiologique à une demande placentaire. S’il est isolé c’est un bon signe. Cela ne veut en aucun cas dire qu’on est en présence d’une toxémie gravidique. Quand on a une tumeur au cerveau, on a mal à la tête, cela ne veut pas dire que lorsqu’on a mal à la tête, on a une tumeur au cerveau! Un autre facteur de stress est le dépistage d’un diabète gestationnel. Ce diabète est une réponse transitoire. Le placenta demande plus de sucre, donc la mère doit modifier sa gestion du sucre. On lui conseille traditionnellement de diminuer sa consommation de sucres raffinés et d’augmenter les hydrates de carbone, conseils que l’on devrait donner à toute femme enceinte en début de grossesse. Le terme de diabète gestationnel est stressant car il mentionne la notion de diabète. Il est aujourd’hui désuet et ne devrait plus être dépisté. Michel Odent insiste beaucoup sur le fait que toutes ses recherches sont à la disposition de tout le monde sur Internet au www.bmj.com—pubmed medline ou en recherchant par sujet.

Comment sommes-nous nés et pourquoi est-ce important.
Intervenante: Suzanne Arms (USA)

La naissance n’est pas importante pour la femme seulement, mais aussi pour le bébé et pour notre société. Ce n’est pas que la fin d’une grossesse mais surtout, le début de l’enfant. Les drogues que nous utilisons pour soulager les mamans changent de nom tous les dix ans, mais ce sont toujours les mèmes substances et ce sont celles qui sont utilisées plus tard par les jeunes (analgésiques, stimulateurs, calmants…).

Le bébé vit son expérience personnelle, mais il reçoit aussi celle de sa mère. Il ne vit pas que dans la relation à sa mère mais a son propre sens du moi et du monde qui l’environne. Il perçoit vraiment quels états émotionnels habitent sa mère, mème si elle cherche à les dissimuler ou qu’elle n’en a pas conscience. Le cocon de la période primale fait qu’il se sent lui, mais aussi couple mère/enfant. Quand le bébé se sent aidé, la naissance n’est pas traumatique pour lui. Malheureusement l’utilisation de drogues empèche qu’il se sente aidé. Les recherches en biologie cellulaire permettent de savoir que les cellules nerveuses du bébé sont formées par le biais des émotions vécues par la mère depuis la conception jusqu’à la fin de la première année. Ainsi se mettent en place des principes, des modèles de fonctionnement qui resteront à long terme et se transmettent de générations en générations. On oublie actuellement de se demander ce qui est bon pour la mère et donc pour l’espèce. Avec la technologie on ne tient pas compte de la capacité de la mère et surtout de l’enfant à venir au monde avec cette sensation de joie de travailler ensemble. Les hormones sécrétées par la maman lors d’un accouchement naturel donne à l’enfant cette joie et cette excitation de rencontrer la vie. Quand elle le caresse juste après la naissance, il peut se dire qu’il est bien arrivé chez lui. Pendant la grossesse, il reçoit la gamme complète des émotions humaines, ce qui le prépare à la compassion. Mais si la majorité des émotions est le stress et l’anxiété, ce qui s’inscrit dans le cerveau est plus grave que les traces que pourraient y laisser des drogues. Et, à la naissance, pendant que le foie et le rein essayent d’éliminer ces drogues reçues pendant la naissance, le bébé prend de graves décisions sur ce qu’apporte la vie. Là se joue la base de sa confiance dans la vie et dans sa maman. Dormir avec le bébé, le porter, l’allaiter très longtemps lui permet de guérir en partie les traumatismes liés à la période primale. La naissance est un véritable désastre écologique dans les hôpitaux. Il faudrait se poser la question: «comment pouvons-nous aider à ce que vivent des familles non-violentes habitées d’un esprit de coopération?»

Si la maman est en paix dans son corps, elle sème les germes de la paix. Si dès le début, l’enfant a peur, il ne se sent pas protégé et sent que sa maman ne peut pas le protéger: ce sont les racines de la violence.

Trois modèles de soin
Robbie Davis-Floyd

I/ Le modèle technologique:
Nous vivons dans une société technologique. Dans ce système le corps et l’esprit sont séparés. Le corps est considéré comme une machine. Les médecins savent que le corps n’est pas une machine mais ils le traitent tout de mème comme tel. Alors le corps des femmes devient une machine dans une usine et le bébé est un produit. Comme si c’était le système et non la mère qui produit le bébé. Pour la technocratie les valeurs principales sont la science, la technologie. On s’occupe peu de la femme ou du bébé. La femme est reliée par des tuyaux, des machines à l’institution. Le pouvoir est à ceux qui savent lire les machines. Les sages-femmes pour se maintenir, doivent donc elles aussi se former à ces techniques.

Bien que le monitoring n’améliore pas les résultats de naissance c’est une information. Ce qui intéresse ce sont les informations. Si on peut faire on doit faire dans cette logique. On croit à la suprématie de la technologie sur la nature. Si on peut le faire avec la technologie faisons-le: 70% des naissances dans les pays occidentaux sont instrumentalisés! Dans ce modèle le patient n’est pas important: la personne importante c’est le médecin. On divise en différente partie: la famille, la mère, le bébé. On fabrique des bébés technologiques, des bébés cyborg. Cet usage agressif de la technologie permet d’intervenir de plus en plus tôt. Dès la conception.

II/ Le modèle de bio-médecine:
Il y a des résistances à cette médecine peu humaine. Et il y a une approche bio-psycho- sociale. On y parle du lien corps-pensée. Dans ce modèle le corps est un organisme et non une machine.
Le patient est sujet et non objet. On utilise alors la technologie et ce que dit le patient. On habille plus humainement les salles de naissance. Ça peut aider mais c’est un changement superficiel d’attitude. Les technologies utilisées sont toutefois moins agressives (homéopathie…).

III/ Le modèle holistique:
Ce paradigme utilise l’unité corps-pensée-esprit. La personne est un système énergétique. Cette énergie est utilisée dans de nombreuses cultures traditionnelles. On peut alors intervenir par la spiritualité qui améliore l’énergie sans utiliser de technologie. On prend la femme dans sa vie et on considère l’entité femme-sage-femme. L’exemple pris par Robbie: Une femme est en travail et son cri est aigu et plaintif «Oh! Mon Dieu! Oh! Mon Dieu!» à chaque contraction. La sage-femme la prend dans ses bras, berce la femme et chante d’une voix grave: «Oh! C’est mieux! Oh! C’est mieux!» et entraine la femme dans cette énergie et l’accouchement a lieu peu de temps après. L’intuition aide à trouver une solution, surtout si la sage-femme vérifie que sa perception correspond bien à celle de la femme. La technologie n’aide pas à s’ouvrir. Le modèle holistique oui.

Les Institutions. Comment améliorer l’hôpital

Ce thème a rassemblé une vingtaine de sages-femmes, mais la présence de sages-femmes hospitalières en grande souffrance tout au long de la conférence souligne l’importance de ce thème. La souffrance principale étant les contradictions entre les désirs des sages-femmes de servir les femmes avec respect de la physiologie, et les protocoles établis par les obstétriciens parfois avec des relations difficiles. La technologie est envahissante, et pour les médecins la pathologie est première. Pour les sages-femmes la peur rode, peur du drame, peur de la responsabilité. Françoise Bourdais nous a proposé quelques chemins, à nous sages-femmes, pour nous aider, aider les femmes.

La sage-femme est la protectrice de la naissance normale. Pour la femme le bébé est premier, et nous pouvons l’aider à se sentir chez elle: en lui parlant avec des mots qui lui soient familiers, en poussant le lit contre le mur et non comme trônant au centre de la pièce.

Nous avons entendu le témoignage de femmes ayant accouché à l’hôpital, pour qui la rencontre avec le médecin a été dramatique, destructeur. Leur reconstruction ensuite s’est faite par un long travail avec la sage-femme qui a pris le relais, qui leur a rendu la confiance en leur corps, en leur capacité de donner naissance. La suite de ces ateliers de rencontre entre parents et sages-femmes va se prolonger par l’établissement par quelques sages-femmes d’un groupe femme-sage-femme en Bourgogne. Seules, nous ne pouvons rien!

Le rappel de la nécessité de participer à la vie politique pour défendre la place des femmes et des sages-femmes dans la naissance. Rendre aux femmes la fierté d’être mères.

La déclaration d’Aix-la-Chapelle d’octobre 2000 demande que les sages-femmes soient représentées à parité des médecins dans les instances qui décident des politiques de santé des femmes et tout particulièrement de la naissance. La déclaration d’Aix-la-Chapelle demande l’accès des sages-femmes libérales aux plateaux techniques, ce qui est possible dans la loi française mais qui n’est pas mis en pratique. Dans les hôpitaux qui ont ouvert leur plateau technique, les sages-femmes ont bénéficié de cette ouverture qui amène d’autres façons de faire, un peu de liberté! La sage-femme libérale n’est plus vue comme source de danger.

Naissances aquatiques
Intervenante: Cornélia Enning

Cornélia est une sage-femme allemande, spécialisée dans la naissance aquatique. Elle fait des accouchements à domicile. Elle nous rappelle tout d’abord que la molécule d’eau n’est jamais isolée mais regroupée en grappes avec d’autres molécules. Cette grappe contient les informations de tout ce qu’elle a touché car la mémoire de l’eau n’a pas de limites. Si la température de l’eau est trop élevée (> à 37°C), l’information part; si elle est à 37°C, elle est fixée; si elle est en dessous de 37°C, elle est modulable. De plus, les molécules ne se contentent pas de faire des grappes mais elles font aussi des ponts (entre elles, et avec ce qu’elles touchent), elles favorisent donc la création de liens qui sera favorisée par une température basse. Pendant l’accouchement, l’eau prolonge souvent la durée de l’expulsion car elle diminue la fréquence des contractions. Ce qui crée des pauses plus longues et pour elle, comme en musique, il est très important de respecter les pauses. Car c’est pendant les pauses que le bébé fait sa rotation et non pendant les contractions. Elle nous montre une vidéo impressionnante d’accouchements dans l’eau. On ne voit jamais une main de sage-femme intervenir. Le couple est respecté dans son rythme, la femme dans ses sensations. Il est important que la femme touche la tête de son bébé pendant l’expulsion car ainsi elle aide le bébé à s’orienter vers sa main, elle le réconforte par ce simple contact et lui évite la peur de la séparation. Pendant la dilatation l’eau sert à la détente de la mère, pendant l’expulsion elle aide le bébé et permet à la mère d’avoir tout son temps. C’est important, durant la grossesse, de laisser la femme choisir la forme de sa piscine. La primipare cherche plus souvent à pouvoir être couchée ou à genoux et choisira une piscine peu profonde, la multipare recherche plus la position debout et donc des piscines plus profondes. Il y a possibilité de mettre une lumière dans l’eau (lampe de plongée) car la lumière au travers de l’eau n’aveugle pas l’enfant. On peut saler l’eau, cela permet éventuellement que si l’enfant en inhale, ce soit moins grave puisque liquide isotonique. Elle permet surtout de diminuer la pression sur la tête du bébé car elle est identique à celle du liquide amniotique. Cela permet souvent de préserver la poche des eaux et de permettre que l’enfant naisse dans sa poche.

A la naissance, le bébé peut rester dans l’eau jusqu’au premier regard. Il ne respirera pas tant que les récepteurs qui déclencheront la première inspiration situés autour de la bouche sont dans l’eau. Dans la vidéo, ce passage est très impressionnant, car on voit la tête qui sort dans sa poche, on attend la contraction suivante (et elles ne sont pas très fréquentes!), les épaules se dégagent… le bébé fait sa rotation externe et se tourne donc vers sa maman, la mère le touche en le laissant libre de ses mouvements surtout au niveau de la tête et de la nuque, le papa (qui se trouve dans le dos de la maman) vérifie le tonus en cherchant à ce que le bébé s’agrippe à son doigt… on attend la contraction suivante… bébé ouvre les yeux… la contraction suivante arrive, il met sa tête en arrière, donne une impulsion vers l’avant en poussant probablement sur ses pieds et dégage le reste de son corps. Sa maman l’attrape et le pose sur son ventre.

Cornélia nous montre la mème séquence dans un autre accouchement où la maman tient la nuque de son bébé quand il n’est pas encore complètement dégagé. A la contraction suivante, il ne peut pas mettre sa tête en arrière et ne peut se dégager! Pendant la dilatation, la température demandée par les femmes est souvent entre 32 et 35°C, pendant l’expulsion elle est souvent de 30 à 32°C. L’hypothermie permet de protéger les cellules cérébrales du bébé. Elle développe cette propriété en proposant des entrainements dans l’eau aux bébés dans les temps qui suivent la naissance. Cela augmenterait le nombre de cellules cérébrales dans le cerveau antérieur. Elle conclue en disant que, dans l’eau, la sécrétion des catécholamines par la mère est moindre, cela permet que les enfants nés dans l’eau soient plus aptes à supporter le stress sans devenir agressifs. Renseignements: www.hebinfo.de

Travail, mise en travail difficile

Si une femme éprouve de la difficulté, il faut avant tout rester proche d’elle, à son écoute. Elle doit être entendue. Si elle se plaint d’avoir mal, où a-t-elle mal? Notre écoute, sa parole, sont les premiers soins. Plus nous sommes libres d’entendre, plus elle peut s’exprimer (exemple: nous avons pris conscience que peut-être ce blocage est la conséquence d’une agression sexuelle dont elle n’a pas pu parler. Notre reconnaissance de cette possibilité peut aider la femme à le dire). Elle a mal, et le travail progresse peu: elle va bien, le bébé va bien: patientons.

Plus on s’éloigne de l’hôpital et des médecins, plus il y a des risques. Mème si celle qui veut accoucher à la maison est de loin celle qui ne devrait pas nous inquiéter (santé, autonomie… que demander de plus), tout se passe comme si elle prenait des risques énormes alors que ceux qu’elle prend sont ceux d’échapper au regard et au contrôle médical. Elle prend le risque de s’appartenir et demande à la sage-femme de l’épauler dans sa démarche. Si le règlement de la loi et les sages-femmes témoignent plus du regard médical, cela signifie aussi que la naissance n’appartient plus à la communauté mais bien plus aux professionnels. Les sages-femmes seront désormais des nouveaux agents de contrôle dans la vie des femmes, qui doivent littéralement demander la permission pour accoucher chez elles. L’autonomie des femmes et des sages-femmes sera réciproque ou elle ne sera pas. Le projet de règlement doit être critiqué dans cette perspective et j’en ai long à dire à ce sujet tu peux me croire! Je dois aller voir un bébé et une nouvelle famille de trois jours… L’accouchement était un hommage à la Vie. Je suis privilégiée… compte rendu de Céline Lemay, sage-femme québécois.

Pratiques

Aider les femmes à se relier à la confiance:

Rosalind Weston: sage-femme anglaise: Si on est bien centré, on ressent l’état de la maman. Si elle est stressée, il faut commencer par nous détendre, nous. Dans notre pratique, nous nous posons souvent la question: que faire si… il y a une dystocie des épaules, ou une hémorragie, ou…? C’est important de nous la poser, pour que nous ayons la réponse prète au moment où ça survient. Mais nous ne devons pas nous la poser dans la pièce où se passe la naissance. Dès que nous en franchissons la porte, nous devons être neutres. Au moment de l’accouchement, si la femme à tendance à perdre connaissance, il faut lui dire de rester! En effet, tout le monde peut quitter la salle, la sage-femme, le mari… sauf elle!

Naolí Vinaver: sage-femme mexicaine, mère de trois enfants, pratiquant les accouchements à domicile et qui a beaucoup appris avec les sages-femmes traditionnelles: Elle nous relate déjà de façon merveilleuse la naissance de son troisième enfant; accouchement pendant lequel elle s’est sentie comme une bête sauvage, avec cette force instinctive de donner la vie. A aucun moment son intellect s’est mis en marche. Voici quelques-uns de ses propos: «La sage-femme doit être comme de l’eau qui s’adapte au récipient qui la contient. Elle doit toujours se poser la question: comment être une bonne sage-femme pour cette femme-là? Ce qui est important, c’est de sentir que chacun est bien dans la place qu’il prend. Nous devons prendre conscience que les gens pensent souvent que nous sommes responsables de leur bonheur, alors que nous sommes simplement dans la danse de la vie. Nous pouvons les amener à ce qu’ils se sentent responsables de leur vie.»

En cours de grossesse: après la consultation Naolí berce les femmes à l’aide du reboso, ce châle en coton souple et solide de 70cm environ de large. La femme s’allonge, le reboso est sous son bassin et jusqu’au point haut du ventre. La sage-femme prend le reboso un extrémité du châle dans chaque main et berce la femme de droite, puis de gauche. Ensuite le reboso est descendu plus au niveau du sacrum, la sage-femme berce alors la femme verticalement sans fatigue par un petit rebond au niveau des genoux. Elle encourage aussi les femmes à boire une infusion de feuilles de framboisier, qui aide à détendre l’utérus. Les soupes d’ortie apportent calcium et fer. En cours de travail: de l’eau contenant des herbes est mise à bouillir, tant pour la chaleur, l’odeur agréable, que pour aider le travail: origan, romarin, cannelle, poivre, feuilles d’avocat. Naolí nous montre le massage de points qui aident la détente du bassin. Ces points sont les replats situés juste au dessus des «pointes» de l’occiput à la base du crâne. De fait ce massage est très détendant! La femme et la sage-femme peuvent prendre une boisson de chocolat dilué à l’eau avec du miel. La famille prépare une jeune poule avec des légumes. Le bouillon est bon pendant le travail et la poule restaurera famille, femme et sage-femme après la naissance. Pour aider la descente du bébé, voire l’aider à tourner, on peut simplement faire danser la femme à l’aide du reboso. Mais si ça n’est pas suffisant, on va allonger la femme, le bassin surélevé, sur le reboso et on va la bercer en donnant des petits coup secs pour indiquer au bébé qu’il faut tourner.

Parfois on va en mème temps bercer ou secouer avec le reboso, pendant que la sage-femme aide par un toucher, le bébé à se positionner correctement. Les assistants aident ensuite la femme à se relever pendant que la sage-femme continue à maintenir la présentation. Dans la dernière phase de travail pour aider un bébé à s’engager, on peut appuyer sur le haut des hanches de la femme pour faire ouvrir le bas du bassin. Bien sûr, quand tout va rondement, on ne fait rien! Naolí nous parle aussi des herbes que l’on peut utiliser. Mais comme précédemment les doses ne sont pas indiquées et donc une formation complémentaire est probablement nécessaire! Les feuilles de framboisier sont favorables en infusion, tout au long de la grossesse. Le romarin dans un bain après l’accouchement contre la fatigue, c’est aussi un antiseptique, et aide les déchirures à cicatriser. Les feuilles de chou blanc sont très efficaces contre les seins trop tendus des premiers jours de démarrage de l’allaitement. On retire la feuille quand elle est amincie (ou si la tension est résorbée). L’ortie en infusion en soupe apporte calcium et fer.

Aider le corps à se refermer après la naissance: Le bain au 6ème jour après la naissance se fait avec romarin + rue + feuilles d’olivier + origan + chrysanthème partenium + chenopodium + peau de banane plantain (qui guérit très bien les crevasses du mamelon). Puis la femme sort du bain et on la resserre à l’aide du reboso: au niveau de la tête, puis des épaules, puis juste sous la poitrine, puis au niveau des hanches, puis au dessus des genoux, puis sous les genoux puis au niveau des pieds. Il est plus simple de faire ce resserrage à l’aide du reboso et deux personnes: chacune prenant en main une des extrémités du reboso, on l’étale bien autour de la partie du corps a resserrer, puis les deux personnes font une torsade de la partie du reboso inutile à envelopper la femme, on croise les deux extrémités et on échange. Les deux personnes tirent vers elles le reboso doucement, jusqu’à ce que la femme les avertisse que ce n’est plus utile.

Parallèlement on prépare dans une bouteille de propylène glycol de deux litres où on macère du romarin, du chrysanthème, de la peau de banane plantain. Trois semaines plus tard ce mélange est brun vert et on peut le mettre sur le ventre pour le retendre.

Aider un bébé à tourner de présentation de siège: C’est une œuvre de la journée pour la femme qui désire faire tourner son bébé: Elle s’allonge 20 minutes sur le dos le bassin surélevé, puis elle fait ce qu’elle veut pendant deux heures. Ensuite elle reste 20 minutes en prière musulmane; à nouveau elle fait ce qu’elle veut pendant deux heures. Enfin elle marche à quatre pattes pendant 20 minutes. Le bébé devrait avoir tourné avant la visite le lendemain. Si ce n’est pas le cas la femme peut recommencer encore une journée (Naolí n’a jamais de bébé en siège! sauf une fois un bébé qui s’était tourné à la dernière minute!).

Peut-être aussi qu’elle évite de ressentir l’appui du bébé sur le col. Les contractions ne peuvent faire progresser. Lui suggérer de changer de position pour permettre un meilleur appui: vaut-il mieux avoir le bébé ou avoir moins mal? Choisir que le bébé appuie plus pour que le travail avance rondement. Le but c’est le bébé! Mais parfois aller à l’hôpital peut être un changement utile. Il y a des points de digipuncture, un peu au dessus de la malléole, un autre sur le dessus de la main. Les points de digipuncture douloureux doivent être massés.

Aider un col dur tonique à lacher: Susan Houd directrice de l’école de sages-femmes danoise: en cours de grossesse déjà, chaque jour, la femme pourrait (devrait?) soulever son utérus pour favoriser la circulation dans le petit bassin, mais aussi dans les jambes: les mains sont mises sur l’utérus aussi près ou mème s’insinuent un peu sous de la symphyse pubienne et dans le temps de l’expiration la femme remonte son utérus. Les femmes qui ont un problème en cours de grossesse (MAP, difficulté de circulation dans les jambes) devraient faire ce mouvement trois fois par jour. Mais ce qui est encore plus nécessaire pour ces femmes comme pour celles qui ont un col tonique en cours de travail qui ne veut pas lâcher: le mieux serait de faire un toucher rectal pour sentir au bout du doigt un seuil dur dans la paroi. Ce geste est difficile à faire, aussi on peut sentir à gauche de l’utérus cette mème barrière, comme un petit relief dur sous les doigts, sur le trajet du rectum. On masse pour faire lâcher cette résistance qui en mème temps fait lâcher celle du col utérin.

Aider un bébé à descendre: Un bébé cesse de progresser. On peut faire «danser» la femme soit sur de la musique, soit avec un châle (reboso au Mexique). La femme est enveloppée au niveau des hanches dans le reboso et la sage-femme la fait danser en tirant un côté puis l’autre du reboso. Si on veut que le bébé tourne on berce ainsi, puis on donne une impulsion un peu plus rapide comme pour faire tourner une poire dans un bocal de sirop. Parfois le bébé est trop asynclite ou mal tourné: on installe la femme le bassin sur un coussin et sur le reboso. Et on secoue le basin soutenu soulevé par le reboso: pour désengager le bébé. La sage-femme peut alors en mème temps aider le bébé à tourner ou se repositionner mieux avec une main en vaginal (c’est un assistant, le père qui tient le reboso). La sage-femme maintient la position du bébé, l’assistant, les assistants aident la femme à se relever et à se mettre debout. Le bébé guidé peut redescendre dans le bassin avec une position meilleure.

Dystocie des épaules: Ce ne sont pas toujours des gros bébés qui font une dystocie des épaules. Parfois ce sont des bébés qui ont eu une progression très rapide de travail. Aider la femme à se mettre à quatre pattes (ce qui laisse déjà un meilleur abord de l’épaule postérieure et fait d’avantage de place). On pousse le bras légèrement vers l’ arrière du corps du bébé, ce qui le fait se plier et permet d’attraper l’avant bras que l’on tire devant le visage du bébé.

Siège: jamais en décubitus dorsal! La poussée se fait avec la femme debout, soutenue. Terme qui se dépasse: prendre deux cuillères à soupe d’huile de ricin avec un jus de citron. Prendre un bain chaud et une petite vodka. Dormir ensuite. Deux heures plus tard reprendre deux cuillères à soupe d’huile de ricin avec le jus de citron… On peut recommencer 48h plus tard (recette canadienne). Un livre donne de très bonnes idées: Labor progress de Penny Simkin.

Décollement du placenta: Pour favoriser la fabrication d’ocytocine naturelle laisser le bébé à sa mère, bien au chaud. Ne pas couper le cordon (qui favorise qu’une autre personne prenne le bébé et aussi un volume plus important du placenta). Rappeler à la mère qu’elle peut y arriver, le placenta n’est pas si gros que ça! Couper le cordon seulement après la sortie du placenta. Un ensemble de recettes a été donné mais je n’ai pas noté les doses: un verre de chlorure de magnésium chaque demi heure. De la teinture mère d’angélique. Faire vomir la mère avec sa tresse dans la gorge. Si le caulophyllum a été efficace en cours de travail continuer à l’utiliser. Masser l’utérus avec du palma rosa. Utiliser aussi cantharis 4CH.

Pour améliorer la naissance à l’hôpital chaque sage-femme peut s’enrichir de pratiques alternatives qui relient chacun de nous à l’essentiel: le cerveau profond, ou cerveau limbique.

Déconstruisons l’obstétrique pour construire la sage-femmerie: Huguette Conesramy

La sage-femmerie c’est la vie. La naissance est un rite de passage. Ecoutons un moment l’hôpital. Imaginons ce que nous dit l’hôpital: fermons les yeux pour cela?

Nous y entendons des voix de commandement, agressives, de peur, de douleur. Car quel est le centre de l’obstétrique? C’est l’instrumentation d’un processus naturel à l’aide de pouvoir et d’argent. On cherche le pouvoir sur la nature, à l’aide de la science. Pour résister la sage-femme est devenue académique au lieu de pratique. La sage-femme est protectrice de la naissance normale: Ce sont les femmes qui ont des grossesses et des accouchements normaux! La sage-femme doit monter au créneau politique, faire prendre conscience aux femmes de la valeur de la naissance. Leur rendre la gloire de la mise au monde. Nous sommes le bras droit des femmes pas des obstétriciens.

L’atelier «Maison de Naissance»

L’atelier «Maison de Naissance» s’est déroulé autour de l’historique des projets au Québec et principalement des questions des participantes. Il était nécessaire de replacer nos Maisons de Naissance dans le mouvement de légalisation de la profession ainsi que de nommer les enjeux professionnels, culturels et politiques entourant la profession de sage-femme. Les participantes avaient besoin de saisir les aspects matériels du fonctionnement (le quotidien des sages-femmes, les transferts, comment démarrer…). Nous avions des documents relatifs à l’implantation des Maisons de Naissance et avons échangé sur la place des parents dans le fonctionnement de ce lieu de naissance. Le besoin principal, je crois, était à la fois d’avoir de l’information sur des points particuliers mais surtout de créer l’image d’un lieu de naissance qui n’est pas l’hôpital et qui fonctionne bien. Ce lieu implique aussi une pratique sage-femme qui n’est pas une simple pratique obstétricale «douce». Le modèle dominant est tellement fort que les échanges sur ce qui existe dans la marge sont essentiels pour la transformation de la culture de la naissance dans nos pays. Je pourrais dire aussi que les participantes ont été très intéressées par le projet de la Colombie Britannique sur l’accouchement à la maison.

Je dois dire que le prix ne fait pas partie de la différence entre l’accouchement à la maison et en Maison de Naissance car les sages-femmes au Québec sont payées par l’état pour exercer leur profession, peu importe le lieu de naissance. Le fait de parler de prix fait référence aux sages-femmes qui travaillent comme travailleuses autonomes (comme je l’ai fait pendant des années) et qui est payée à ce moment par ses clients. On peut croire que pour des accouchements à la maison il n’y a pas de normes, ce qui n’est pas vrai. En fait les normes sont à peu près les mèmes. Celle qui veut accoucher à la maison doit être en santé, avoir eu une grossesse qui s’est déroulée normalement, accoucher à terme… etc. L’équipement n’est pas différent et ça ne prend pas une remorque pour le transporter. Ce qui me préoccupe en fait c’est que pendant les projets pilotes on demandait aux sages-femmes d’abord d’évaluer si la femme était «éligible» au suivi sage-femme. La mème demande est recommandée pour les sages-femmes qui sont avec les femmes qui veulent accoucher à la maison. Ce qui me dérange c’est l’idée qu’il faut être une femme «spéciale» pour être «élue» apte à être suivie par une sage-femme alors qu’au moins 80% des femmes le sont! En fait toute femme devrait être suivie par une sage-femme, sauf preuve du contraire.
La santé appartient aux gens et non pas aux professionnels.

Toute grossesse est normale et physiologique AVANT le suivi de grossesse et non pas APRES. Tout se passe comme si c’est grâce au professionnel que la grossesse et l’accouchement sont normaux… Comme si la grossesse et l’accouchement doivent être «traités» afin d’être qualifiés de «normaux». C’est le monde à l’envers! Il y a une telle différence entre «veiller sur» la mère et l’enfant et les «sur-veiller»! C’est dans ces espaces que naviguent la confiance, le doute et la peur… Nous sommes à la fois si forts et si fragiles… comme la vie. (N.B. J’aime mieux parler d’accouchement à la maison que d’accouchement à domicile, terme peut-être exact mais qui fait référence à une notion civique et administrative. J’ai accouché à mon domicile mais je n’ai pas accouché à domicile: j’ai accouché à la maison, ce qui fait énormément plus de sens.)

Une Nuit à Paris

En plein milieu du congrès de Midwifery Today, en pleine nuit je me suis réveillée, ce qui n’est pas très nouveau dans mon cas et je suis restée éveillée une partie de la nuit, ce qui n’est pas nouveau non plus. Cependant ce n’était pas mes travaux ou mes lectures qui me tiraillaient mais bien les émotions suscitées par ma présence en terre de France entourée de sages-femmes françaises et de la réalité de l’accouchement là-bas: 90% de péridurales, hypermédicalisation de la naissance. Les femmes et les sages-femmes souffrent… Je devais écrire les pensées et les larmes qui m’habitaient.

La pensée obstétricale est traversée par la peur.

Les femmes ont peur.

Mais au lieu de développer des comportements pour être rassuré et se rassurer la pratique obstétricale a développé la technique autour de la naissance comme réponse à la peur. Illusion…

Si les intervenants étaient rassurés par la technique, ils seraient rassurants, ce qui n’est pas le cas. L’hypermédicalisation témoigne alors d’une hyper-peur. La réponse technique à la peur des femmes leur donne une rassurance fugace et partielle en plus de nourrir l’illusion que plus de technique pourra peut-être enfin régler le problème. Elles acceptent en général cette logique circulaire et vicieuse qui les maintient dans la dépendance et les aliène de leur expérience de maternité. La pratique obstétricale devient alors une forme institutionnalisée, normalisée et structurée autour de la notion de «c’est pour son bien» de violence faite aux femmes… et que les femmes demandent et acceptent, croyant que c’est pour le bien de leur enfant. Si c’est nécessaire d’être saoul pour ne pas sentir la douleur en déboulant un escalier, cela devient presque nécessaire d’avoir une péridurale pour ne pas souffrir de la violence obstétricale.

Plus besoin de parler de la société patriarcale.

Nous avons maintenant la société obstétricale.

La péridurale ne permet pas seulement de supporter la douleur de l’enfantement, elle permet de supporter la violence de la cascade d’interventions au nom du bien-être de l’enfant. La violence: contre l’intégrité du corps de la femme et contre l’unité mère/enfant

La fuite donne souvent plus d’importance à ce que l’on fuit. L’obstétrique est souvent une fuite en avant.

L’abus de la pensée obstétricale a transformé la pratique en régime qui fait le mème effet sur les femmes que le régime taliban: il les rend invisibles.

Nous avons été des enfants doués (cf. Le drame de l’enfant doué), nous sommes maintenant des patientes douées…

Le principe éthique le plus fondamental (selon Kant) est de toujours considérer l’Humain comme une fin et non pas comme un moyen.

La Dérive Obstoétricale

A partir du moment où la mère et l’enfant sont considérés comme deux personnes séparées (dans leur corps et leurs intérèts), ET à partir du moment où l’on affirme que le seul but est d’avoir «un beau bébé en santé», la femme devient alors UN MOYEN pour atteindre ce but. Et la femme va tout accepter… Parce qu’elle est la mère… Elle va accepter d’être suivie (ou plutôt traquée), testée, échographiée, ponctionnée, perfusée, monitorée, attachée, à jeun mais droguée, coupée, violée par des forceps, ouverte au scalpel.

Elle va accepter de ne pas accoucher, de se faire accoucher (c’est plus sûr n’est-ce pas?), de ne pas mettre au monde son enfant mais que le monde lui prenne son enfant.
Pour le bien de son bébé, parce qu’elle est sa mère…

Facile de faire une diversion autour des risques des lieux pour l’enfantement, cela permet de ne pas se rendre compte que la femme est de plus en plus considérée comme un lieu de risque pour son enfant à naître. Avant on était sûr que le fœtus était protégé par sa mère. Maintenant, on considère qu’il devrait être protégé «de» sa mère…

Je suis si fatiguée… c’est-à-dire si triste….

__________________________________________
Pouvez-vous, vous sage-femme, donner à ces travaux une autre conclusion? Une ouverture? Un espoir?

About Author: Céline Lemay

Céline Lemay est une sage-femme québécoise.

View all posts by

Skip to content